Vous êtes ici : Accueil > Environnement > Délit d’opinion, déni de vérité : le Dr Champly doit-il être condamné pour son (...)
Par : ACP
Publié : 14 mars 2015

Délit d’opinion, déni de vérité : le Dr Champly doit-il être condamné pour son courage ?

par Michel Duby, conseiller municipal à Passy, militant associatif, militant écologiste.

Cela fait des années que des lanceurs d’alerte s’inquiètent de la dégradation du milieu naturel montagnard. Parmi ceux-ci, les membres de l’Association Citoyenne de Passy.

Dans leurs publications, les prises de parole publiques, ils se sont régulièrement adressés aussi bien aux élus locaux qu’à la population. En se rassemblant, en échangeant avec d’autres militants, ils ont pu acquérir des connaissances sur l’origine des pollutions de l’air dans la vallée de l’Arve. Ils ont affirmé leurs convictions dans diverses revues parmi lesquelles le bulletin de l’Association citoyenne de Passy. Ils ont aussi porté plainte contre l’Etat en la personne du Préfet pour non application de la loi sur L’Air et l’Utilisation Rationnelle des Energies qui garantit à chacun l’accès à un air qui ne nuise pas à sa santé et la mise en danger des populations.

En tant qu’élu, je suis souvent intervenu au conseil municipal de Passy afin de faire le point sur les avancées du Plan de Protection de l’Atmosphère. A ce titre, j’ai été en effet le seul à participer aux réunions en sous-préfecture qui ont permis son élaboration. Maigres avancées certes, mais ce document a contribué à la prise de conscience de la gravité des problèmes par les représentants de l’Etat, les élus : après un diagnostic basé sur les relevés scientifiques d’un organisme compétent, AirAPS, une liste de mesures permanentes et temporaires a été dressée.

Le peu d’empressement des autorités et des élus à favoriser leur application laisse supposer que la vigilance reste de mise : les lobbies routiers sont puissants, le courage de nos responsables politiques nationaux absent, et sur le plan local, très peu de maires se sont réellement impliqués pour envisager des réponses crédibles aux problèmes graves de santé publique posés.

A Passy, je me suis heurté à l’indifférence des maires, à leurs moqueries, leur arrogance : "Tu exagères toujours ! " avait dit l’adjoint à l’environnement Yves Tissot en conseil municipal avec un rire goguenard suite à une de mes interventions concernant les risques sanitaires liés à la mauvaise qualité de l’air en 2009. La pollution serait justifiée par la nécessité économique, comme le rappelait récemment encore un autre élu. L’économie libérale ne serait-elle pas responsable de cette catastrophe sanitaire ? Des camions TIR traversent la commune pour proposer un travail sous rémunéré dans d’autres pays européens à des populations exploitées ; les rejets dans l’atmosphère de l’industrie seraient un mal nécessaire.

Finalement, les utilisateurs de chauffage au bois, c’est-à-dire Monsieur Tout le Monde serait responsable de toute cette pollution. Un coupable est trouvé, montré du doigt ce qui permet à l’autorité publique (élus nationaux et gouvernements, représentants de l’Etat que sont les préfets et les sous-préfets...)de ne prendre ainsi aucune décision contraignante et de ne pas heurter l’intérêt des lobbies du transport. Rappelons qu’il serait très facile d’utiliser l’Autoroute Ferroviaire Alpine qui pourrait accueillir 300 000 camions.

Cependant, mes interventions au conseil municipal ont sans doute modestement permis de faire évoluer les mentalités. La situation de déni il y a cinq ou six ans affichée par certains maires du canton a évolué. Monsieur Peillex, en tant que conseiller général et maire de St Gervais affirmait à la Commission locale d’information et de suivi de SGL Carbon le 5 mai 2013 que « la pollution naturelle a toujours existé, que les « pets » des chevaux ça existe et qu’ils sont très polluants. »

Il est vrai que face à des arguments scientifiques aussi solides, le Docteur Champly n’a plus qu’à bien se tenir. Les médecins qui se sont mobilisés sont mal renseignés, les militants qui se sont inquiétés des risques sanitaires, les parents d’enfants victimes d’allergies, de toux, d’irritations diverses, de difficultés respiratoires de leurs enfants ne sont que des agitateurs fantaisistes.

Aujourd’hui, nous sommes dans des postures affichées à la veille des élections départementales et Monsieur Peillex, en refusant d’évoquer sérieusement les problèmes, a tenté de récupérer les voix de ceux qui vivent du tourisme et qui craignent de constater une baisse de leur chiffre d’affaires. Il est vrai que si des décisions politiques draconiennes ne sont pas prises face à ce fléau, les amateurs de glisse et de montagne constatant comme ils peuvent le faire tous les jours, la persistance de cette brume étrange en fond de vallée pourraient choisir d’aller skier ailleurs dans des espaces où les problèmes d’aménagement du territoire prévisibles ont été anticipés, loin des « coups de com » permanents auxquels certains maires nous ont habitués dans le canton : la « montagne à l’état pur », tu parles !

L’économie touristique pourrait légitimement pâtir de cette situation. Alors, mieux vaut-il être dans le déni, pousser sous le tapis les particules fines, les dioxydes d’azote, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, l’ozone ?

Notre propos est plus simple : il y a problème, ne le cachons pas et agissons. Trouvons des solutions, chacun à son niveau.

Lorsque j’avais participé avec l’AVP au blocage de l’UIOM en 2003, Chedde étant victime d’odeurs pestilentielles en raison d’un arrêt technique, Monsieur Peillex, futur candidat aux cantonales, était venu apporter son soutien ... et deux bouteilles de vin au piquet de grève (j’en faisais partie) pour encourager la résistance devant le portail de l’usine. Le lendemain matin, un camion de St Gervais était venu déverser les ordures mais n’avait pas pu accéder évidemment à la fosse. Yves Tissot, alors maire de Passy, était lui aussi passé, affirmant qu’il n’y pouvait rien car le four était dirigé par le Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères dont le président était alors un élu chamoniard. Le lendemain, nous avions interrompu une réunion du syndicat à Domancy afin d’alerter les délégués. Ceux de certaines communes appartenant au SITOM n’étaient pas au courant de son arrêt depuis plusieurs semaines et de la puanteur persistante à Chedde.

Actuellement, il ne faut pas se contenter d’observer les problèmes inhérents à l’environnement et à la qualité de l’air à Passy en affirmant des lieux communs affligeants  : « avant, c’était pire ! », « La ville de Passy n’est pas la seule concernée », « j’ai travaillé à l’usine » ou « j’ai vécu à Chedde et je suis en pleine forme » …, affirmations fanfaronnes bien éloignées des inquiétudes sanitaires. Celles-ci sont souvent exprimées par les lanceurs d’alerte qu’ont été les militants associatifs, relayés par des parents inquiets pour la santé de leurs enfants, des employés travaillant dans ou à proximité de sites sensibles, d’habitants qui aiment leur région et ont envie de préserver ce milieu montagnard extraordinaire. Le corps médical local, l’institut de veille sanitaire ou l’OMS ont confirmé les craintes en apportant des éléments scientifiques qu’il nous faut entendre.

Au plan local, le plus désolant est l’absence de curiosité de nos élus, des maires de Passy en particulier, vis-à-vis de l’aménagement du territoire, l’absence d’anticipation face aux problèmes pourtant signalés depuis longtemps.

En 2002, après avoir publié un bulletin de l’ACP uniquement consacré aux ordures ménagères et à l’incinérateur , distribué en cinq mille exemplaires sur l’ensemble de la commune avec la complicité des Verts locaux, nous avions déjà organisé une réunion publique à Chedde. Le Dr Bluteau accompagné d’un pharmacien avait fait une très belle conférence sur les risques liés à l’incinération : à l’époque, le problème du four de Gilly était dans tous les esprits.

Alors, la médiatisation des pics de pollution pourra-t-elle contraindre nos gouvernants à prendre en compte ces problèmes inquiétants ?

Il y a quelques mois, nous avons constaté que la lâcheté ambiante au plus haut niveau de l’Etat a fait abandonner l’écotaxe qui aurait pourtant pu ouvrir des perspectives nouvelles en termes de politique de transports.

Quant aux représentants de l’Etat, ils s’appliquent à rassurer la population, veillent à ce qu’il n’y ait pas de vagues dans le département ou l’arrondissement. Si nous devons agir à ce niveau, adressons nous aux députés qui, dans le département, n’ont pas fait spécialement avancer les dossiers quand ils étaient au pouvoir avec leurs amis politiques et qui pourtant se montrent beaucoup aujourd’hui. Pour quelles raisons évidentes ? Sophie Dion, députée de la circonscription ne se présente-t-elle pas avec Georges Morand, maire de Sallanches aux prochaines élections territoriales ? Elle doit sans doute affirmer qu’elle est contre le cumul des mandats … L’a-t-on vu manifester un quelconque intérêt face à ces problèmes de pollution avant le Graal de la députation ? Elle n’avait semble-t-il jusqu’alors jamais exprimé le moindre avis sur le sujet.

La situation est désespérante mais nous ne pouvons que continuer notre combat à force d’arguments que nous maîtrisons pour qu’un jour … le bon sens et l’intérêt général prévalent !

En attendant, affichons notre détermination et notre total soutien au Dr Champly, menacé honteusement par le maire de St Gervais avec le soutien du maire de Passy.

Mais les rares élus et militants qui s’évertuent à convaincre, alerter, qui ont été confrontés à de rudes difficultés, des menaces, parfois agressés savent pouvoir compter sur les membres et les conseillers municipaux de l’Association de Passy.

Les actes militants des réseaux d’associations contre la pollution, des médecins engagés, des médias lucides de plus en plus nombreux qui analysent la situation et interrogent nos consciences méritent le respect.

La santé de la population est en danger.

Michel Duby Conseiller municipal Passy Président de l’ACP